Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/86

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tirer bon augure du tour que prenait l’événement. La colère souveraine me semblait en détente et je conçus l’espoir d’échapper aux suites que son excès m’avait fait un instant prévoir : un voyage ennuyeux, avec, au bout, quelque facétie où je me prêterais de bonne grâce, m’en paraissait l’issue probable. Souvent de telles aventures se dénouèrent de même et on s’en disait certaines, à l’oreille, où de fort graves personnages avaient dû subir en châtiment les malices et les bouffonneries du prince maniaque dont les cocasses rancunes se satisfaisaient d’une risée ou d’un déboire, et je me résignais assez bien à ajouter, à mes dépens, un récit de plus aux légendes qui faisaient de notre bizarre maître le sujet des bâcleurs de romans et des conteurs de nouvelles. Il relevait d’ailleurs plus de l’anecdote que de l’histoire. Sa petite cour était singulière. Les chutes y ressemblaient à des culbutes ; l’acrobatie des ambitions y voisinait avec les pirouettes des vanités.

Les gros chevaux à queue nattée battaient du sabot le pavé. Le cocher se carrait sur son siège ; je montai, la portière claqua, les roues