Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/92

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un fragment de rocher, je trouvai, comme on m’en avait averti, l’ordre princier ; j’y lus, stupéfait, qu’au cas où ma résistance s’obstinerait, l’exil sur cette terre cruelle tâcherait d’en avoir raison. Il fallait opter sur-le-champ. La concision de l’arrêt m’en montra le sérieux. La facétie prévue prenait un masque tragique. L’éclair des yeux jaunes n’avait pas menti.

Je regardai autour de moi. De l’horizon les lames énormes déferlaient. Leur force éclatait en écumes blanches, les rocs hargneux faisaient face à la marée furieuse ; des gueules et des croupes affrontaient la ruée des vagues, bavant ou ruisselant. Le vent soufflait dans les herbes dures.

Mon orgueil s’exalta ; le tumulte de la mer entra en moi ; je marchai tout le jour. Je connaissais trop les polices du prince pour penser leur échapper. Mon sort me semblait inévitable. Je compris l’erreur de ma hardiesse. En contrevenant au caprice du maniaque j’avais heurté la vanité du despote et, dans le dangereux mannequin dont je m’amusais trop souvent, ma bravade réveillait l’homme héréditaire, le descendant de l’antique race rancunière dont les