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Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/55

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ARÉTHUSE


L’aube bleuâtre devient de plus en plus claire. Peu à peu on distingue une grève où une femme est couchée, nue ; sa tête repose sur les genoux d’un jeune homme couvert de vêtements amples et sombres. De hauts rochers ferment la vue, derrière la petite plage.


LUI


 
Cet homme chante des paroles étranges,
Dans l’aube lente,
Et j’aurais voulu voir son ombre sur la mer
Et son visage pendant qu’il rêvait à voix haute
Debout à la proue, et lui parler peut-être,
Car le navire était ancré près de la côte ;
Mais les rochers me le cachaient, et cette tête
Qui dort sur mes genoux, lourde et charmante,
M’a fait rester assis dans l’aube blanche,
Et le navire a levé l’ancre
Et la Mer baisse…

Ô dormeuse, ta tête est lourde et tu dors
Des yeux et de toute la langueur de ton corps
Délicieux et pur sur le sable marin,
Parmi les algues et les coquilles.
Tu dors tranquille
Et lasse et souriante et nue,
Âme inconnue !