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Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/56

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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS

Le sable rafraîchit la paume de tes mains
Ô dormeuse, et quand tu te lèveras,
Debout en étirant tes bras
Et secouant les lourds cheveux jusqu’à tes reins,
Le doux sable
Gardera le sceau de ton sommeil mémorable,
Et je ne saurai rien de ton âme inconnue.

Elle est là qui dort et moi je songe
Et j’ai songé dans l’ombre.
Longtemps avant que cette voix chantât dans l’ombre,
Et j’ai songé
À celle qui s’en vint vers celui qui venait,
Étrangère qui souriait à l’Étranger,
Et qui dort maintenant près de celui qui veille ;
Je ne connais
Rien d’elle sinon qu’elle était là et qu’elle est belle,
Sinon qu’elle dort à mes pieds
Et nue et lasse et calme et souriante,
Car comme en rêve elle a souri surnaturelle
Et j’ai cru qu’elle allait s’éveiller
Quand la voix lente
De cet homme a chanté la Mer et les Sirènes,
Et puis elle s’est rendormie, et sa face
A souri des lèvres à la mienne,
Et sa tête a pesé lourde sur mes genoux,