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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/112

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engraissa, et elle devint vite presque jolie, ce dont madame de Preignelay s’aperçut assez pour faire coucher la fillette dans un cabinet contigu à sa chambre et dont elle mettait, le soir, la clé sous son oreiller, car elle entendait bien qu’il n’arrivât rien de fâcheux chez elle à sa protégée ; aussi la tenait-elle avec soin hors de portée des laquais et des porteurs, d’autant que, comme elle le disait justement à M. de Bréot, cette petite n’avait pas l’air de regretter tant que cela d’avoir été violée moins de deux mois auparavant…

– Oui, monsieur, – disait madame de Preignelay – pas tant que cela et même pas autant qu’il faudrait ! Certes, je pense aussi qu’il n’est rien de plus naturel qu’une pareille aventure de corps finisse, après avoir été considérable, par se confondre avec les petits événements qui composent la trame ordinaire et mêlée de la vie. N’est-il point juste qu’elle prenne sa place dans la mémoire et ne s’y distingue plus guère de ce qui l’environne. Il ne faut pas, et j’en conviens volontiers, pour un accident de cette sorte, en garder la tête basse et en verser des larmes continuelles, mais je ne voudrais pas non plus qu’on en levât le front et qu’on en fit parade. Certes, votre Annette n’en est pas à cet