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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/171

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deux convives avaient pris place à table. Seguin accordait son violon. Maître Pucelard emboucha sa flûte, moi la mienne, mais je crus bien qu’aucun souffle ne sortirait de mes lèvres. Je n’étais pas, monsieur, au bout de mes surprises.

» Imaginez un peu mon état et ma situation ! Madame la duchesse, dès le début du repas, s’était mise à rire bruyamment. Elle portait souvent son verre à sa bouche et remplissait elle-même celui de monsieur le comte des Bertonnières. Il était jeune et bien fait, mais je n’en revenais pas de ses façons et de ses discours. Madame la duchesse répondait à ses équivoques ou même à ses ordures en se renversant au dossier de son siège, la face animée de vin, et, au lieu de se fâcher de certains gestes et de certaines privautés, elle redoublait ses rires. Tous deux paraissaient avoir oublié que nous étions là. Maître Pucelard continuait le plus naturellement du monde à jouer de la flûte et je l’imitais sans trop savoir comment et les yeux fixés sur le spectacle qui se montrait à ma vue.

» Monsieur des Bertonnières fut bientôt entièrement ivre. Il menait un tapage d’enfer, brisant la vaisselle et la verrerie, chantant et criant à tue-tête.