Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

revers de main, me coiffait d’une sorte de couronne en carton. Surpris et furieux, j’allais demander ce que signifiait tout cela, lorsqu’on apporta des lumières et que je pus regarder autour de moi.

» Quel spectacle, monsieur ! Je fus sur le point d’arracher ma robe dérisoire et ma couronne de carton. Dans quel étrange carnaval me trouvais-je fourvoyé ! J’en reconnaissais, un à un, les acteurs et j’en savais l’hypocrite et exécrable artisan. Les premiers qui frappèrent ma vue furent Jean Guilbert, le bossu, et Lucie Robine. On lui avait fardé d’un rouge vif son visage en groin de porc ; elle montrait dans un corsage débraillé sa gorge en gourde et relevait sa jupe sur des souliers à grosses bouffettes, en dandinant son corps maigre et osseux ; une guirlande de fleurs posée sur sa tignasse rousse et dépeignée, et, ainsi accoutrée, elle minaudait avec des airs d’agacerie. Quant à lui, tout habillé de noir, il traînait sur ses talons un grand sac flasque. Plus loin, il y avait Charles Langru, tout vêtu de jaune, avec un casque où s’enlaçaient des serpents, et des langues peintes à son dos. Le gros Claude Lardois, en rouge, s’appuyait sur une hallebarde, auprès de Jacques Ragoire, tout ficelé de cordes où pendaient