Aller au contenu

Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des saucisses et des andouilles, et enfin, énorme, Justine Le Cras, l’hydropique, rembourrée de duvet, et dont la face huileuse et borgne avait l’air de dormir à moitié. Et chacun d’eux portait au col un écriteau comme on m’en passa un à moi-même ; et, comme je lisais sur le mien, en lettres d’or, le mot Orgueil, je pouvais lire sur les leurs : Luxure, Avarice, Envie, Colère, Gourmandise, Paresse. Car madame la duchesse de Grigny ayant ordonné qu’on l’enterrât en simple pécheresse, monsieur le duc lui donnait ainsi pour la conduire au sépulcre les figures mêmes du péché.

» Quand, travestis de cette façon nous sortîmes de l’hôtel de Grigny pour monter dans les carrosses qui devaient nous emmener, il y avait beaucoup de monde assemblé sur la place. Les gens du voisinage étaient venus pour admirer celle qui, dédaignant les pompes du siècle, n’avait voulu que le seul cortège de quelques pauvres. Ces sortes de renoncement plaisent assez au petit peuple, qui y cherche une marque d’humilité et la preuve que nous différons de lui davantage par notre condition que par nous-mêmes. Ils aiment que nous convenions ainsi de l’égalité de tous devant la mort, et ils savaient gré à madame la duchesse de Grigny de