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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/188

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s’être souvenue, en mourant, de ce retour à ce qu’il y a de commun entre nous. Mais, quand ils nous virent déboucher, ils eurent un moment de surprise. Ils eussent approuvé à cette noble dame son escorte de sept mendiants comme si, devant la justice de Dieu, elle n’était rien de plus qu’une mendiante elle-même de sa miséricorde ; que pensaient-ils du spectacle qui s’offrait à leurs yeux ? En sentirent-ils la dérision et l’indécence ? Je ne puis le dire exactement, mais il courut, quand nous parûmes, une sourde huée qui fit relever la tête à monsieur le duc, debout, en grand deuil, auprès du cercueil de sa femme, déjà placé sur un chariot.

» L’instant, monsieur, fut étrange. J’eus l’idée que des pierres allaient siffler sur nous et des mains nous arracher nos oripeaux. Les torches que haussaient les valets nous éclairaient à cru dans notre grotesque. Déjà je portais mes poings à ma couronne de carton doré quand, au milieu du silence qui s’était fait, un rire éclata, puis un second, puis un autre, puis vingt, puis cent, qui ouvraient les bouches, empourpraient les faces, et, de proche en proche, gagnèrent toute la place, des femmes aux vieillards, des hommes aux enfants, et jusqu’aux porteurs de torches, monsieur, jusqu’à nous-mêmes, monsieur !