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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/190

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m’en distraire je promenai mes yeux autour de moi.

» Au fond du carrosse, était assis le gros Lardois à côté de la grosse Justine Le Cras ; sur la banquette de devant, Jacques Ragoire auprès de moi : la Colère, la Paresse, la Gourmandise et l’Orgueil voyageaient de compagnie. Le dégoût me serra la gorge à cette vue et je regardais par la portière. Les rues que nous traversions étaient à peu près désertes. Le carrosse roulait toujours sur un mauvais pavé. Parfois un passant s’arrêtait, ébahi de notre étrange cortège, et disparaissait dans l’ombre.

» Nous étions enfin hors de Paris. Les torches des laquais éclairaient les arbres d’une route. Nous croisions des voitures qui se rangeaient pour nous laisser le chemin. J’entendais les jurons des conducteurs auxquels répondaient les injures des laquais de monsieur le duc. Mes compagnons, d’abord silencieux, commençaient à causer entre eux. Leurs langues se déliaient. Lardois-la-Colère avait tiré de ses nippes une bouteille de vin. Ils échangeaient des propos grossiers. Je pensais que, pleins des événements dont ils venaient d’être témoins, ils allaient en discourir,