Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/195

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d’une brume légère qui, peu à peu, se dissipait à une clarté plus vive. Nous longeâmes une petite rivière, qui coulait entre des saules, tantôt unie, tantôt écorchée à des cailloux. Je respirais un air sain et pur. J’aurais voulu sauter en bas de ce carrosse empesté de crasse et d’haleines, où la Robine dormait bouche ouverte et où Charles Langru et Jean Guilbert ronflaient lourdement ; oui, monsieur, j’aurais voulu m’échapper, courir à travers les herbes, jeter là ma couronne dorée et me baigner en cette eau fraîche et limpide. Pour la première fois depuis longtemps, je repensai à ma petite flûte, si juste et si sonore, d’où j’aimais à tirer des sons mélodieux. Que ne l’avais-je avec moi ! Je me serais étendu sous un arbre et j’aurais imité par son chant les murmures de l’onde et la voix des oiseaux.

» Nous devions arriver vers trois ou quatre heures de l’après-midi au lieu que madame de Grigny avait désigné dans son testament comme l’endroit où elle désirait que son corps fût porté pour y reposer dans une terre que ses pas d’enfant avaient foulée au temps heureux de ses jeux avec monsieur de Cérac. C’était à Salignon que bifurquait la route du château de monsieur de Barandin, et il était déjà plus de