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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/194

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de madame la duchesse. Hélas ! monsieur, ces verres choqués, ce vin répandu me faisaient songer à un autre repas plus délicat et plus voluptueux, et je revoyais, en sa beauté demi-nue, celle qui maintenant gisait entre ces quatre planches étroites, cahotée aux pas des chevaux et escortée de la suite injurieuse dont l’avait outragée dans la mort celui de qui j’entendais le nom acclamé par des voix criardes et enrouées.

» L’aube pointait quand on se décida à repartir. Les laquais titubants eurent peine à se remettre en selle. Mes compagnons de carrosse furent, cette fois, Lucie Robine, Charles Langru et Jean Guilbert ; – la Luxure, l’Envie et l’Avarice. – Ils étaient tous trois tellement ivres qu’ils s’assoupirent aussitôt. Je vivrai longtemps, monsieur, sans oublier le spectacle de leur sommeil dégoûtant, coupé de hoquets et de nausées. La Robine était particulièrement répugnante. L’étoffe mouillée de vin collait à son corps maigre, et ses yeux fermés montraient leur bordure saignante. La lumière du jour la rendait encore plus affreuse, car il faisait maintenant tout à fait clair.

» La matinée s’annonçait belle. La route traversait des champs bien cultivés ou des prairies couvertes