Aller au contenu

Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

si fine qu’elle permettait de distinguer la forme de son corps. La mort en avait presque respecté la souplesse. Elle était à demi tournée sur le côté, de façon que je ne voyais pas son visage, mais seulement sa belle chevelure répandue, qui me semblait s’étendre vers moi, comme si elle allait se nouer à mes poignets, entraver mes genoux, m’entourer de son étreinte innombrable. Elle grandissait et venait à moi. Elle était de l’or et elle était du feu… Elle attirait comme un trésor et rayonnait comme un brasier…

» La torche consumée me brûla cruellement ; je la lâchai à mon tour : la chevelure d’or s’éteignit.

» J’avais fait un bond en arrière. Comment parvins-je à l’écurie où étaient les chevaux ? je l’ignore. Quand je repris le sentiment de moi-même, je fuyais à travers champs, cramponné au poil de la bête. L’aurore blanchissait le bas du ciel. Le galop de mon cheval retentissait à mes oreilles. Je n’étais pas grand cavalier, et ce fut miracle que j’eusse tenu jusque-là au dos de ma monture. Un écart qu’elle fit à ce moment me démonta. Ma tête heurta contre une souche, et ce ne fut que plusieurs heures après que les gens de monsieur le comte des Raguiers me ramassèrent, et, m’ayant fait boire un cordial,