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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/204

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pouvais penser sans frémir, celle dont j’avais accompagné jusqu’ici la dépouille sous un déguisement ignominieux, celle-là, monsieur, allait m’apparaître une dernière fois, en son appareil funèbre ! Et l’idée de cette vue, monsieur, me faisait frissonner jusqu’en la moelle de mes os.

» Tout à coup le couvercle se rompit, et Ragoire chut à la renverse. Jean Guilbert s’était précipité, la torche haute d’une main ; de l’autre, il fouillait dans le cercueil ouvert : je voyais son long bras s’agiter. Sa bosse lui donnait l’aspect d’une araignée monstrueuse et acharnée. Ragoire se pencha aussi sur le cercueil et en retira comme un écheveau doré. C’était, enroulée à son poing, la chevelure de madame la duchesse !

» Je voulus courir sus aux misérables. Mon pied butta à une grosse pierre. Je ne sais comment, je la lançai dans les jambes de Jean Guilbert, qui lâcha sa torche. Ragoire poussa un cri étouffé. J’entendis leur souffle. Ils passèrent près de moi sans me voir et disparurent dans la nuit. À terre, la torche pétillait encore.

» Mes mains tremblaient tellement que j’eus peine à la saisir. Lentement, je m’approchai. Madame la duchesse était couchée au cercueil, dans une toile