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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/276

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déconfit de ce qui lui arrivait ; bien au contraire, ces nouveaux venus se sont glissés en moi sourdement, ils se sont emparés peu à peu de mes pensées et ont envahi ma solitude. Ce sont des compagnons familiers qui ne me quittent pas et dont rien ne me distrait et qui vont, monsieur, viennent et dorment d’autant plus à l’aise en moi qu’ils n’ont point l’occasion d’en sortir et aucune issue par où ils puissent me délivrer de leur bourdonnement et me soulager de leurs piqûres.

M. Le Varlon de Verrigny s’était éloigné de quelques pas, il revint promptement vers M. de La Bégissière et le secoua rudement par l’épaule.

– Dites, monsieur, ma condition n’est-elle point misérable et ridicule ? Vous voyez devant vous un paresseux qui travaille, bêche la terre, lie des fagots, couvre du papier ; un gourmand qui mange des petits légumes en purée et qui boit de l’eau à la cruche ; un orgueilleux qui n’a d’autres témoins de son orgueil que lui-même ; un avare qui ne dispose plus de ses biens et n’a pas un écu dans sa poche. Et pourtant, monsieur, je suis bien ce que je vous ai dit et voici l’étrange compagnie où je suis tombé. Voilà ce que j’ai trouvé ici, monsieur, et ce que vous avez à côté de vous.