Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/311

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que j’aille me conduire avec vous plus mal que la bête forestière que je viens de dépouiller. Non, madame, non ! si j’avais voulu user de la force pour obtenir de vous ce que je voudrais mettre toute ma vie à mériter, n’aurais-je pas profité de la mascarade qui eût déguisé ma violence ? Tout ce que je souhaitais de cet accoutrement était de m’amener à vos pieds pour vous dire qu’il y a, de par le monde, quelqu’un parmi tant d’autres, dont le cœur et l’esprit sont pleins de votre beauté !

Madame de Blionne fit un geste. M. de Bréot continua malgré elle.

– Je ne vous apprendrai même pas mon nom, madame ; il est obscur et vous est inconnu. Je vous aime, madame, et c’est tout ce qu’il m’importe que vous sachiez de moi. Depuis que je vous ai vue, votre image n’a pas cessé d’être présente à mes yeux. Elle occupe mes pensées. Elle est la compagne de mes désirs. Certes je pouvais vous taire à jamais le sentiment qui m’anime et ne pas m’exposer au chagrin de le voir repousser. Au lieu de vous l’exprimer à haute voix, j’aurais pu m’en nourrir en secret et m’épargner au moins la douleur de votre indifférence. Je n’eusse accusé de mon malheur que mon silence et ma timidité. Il ne me serait