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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/314

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survivrait au contact de notre chair et au baiser de nos bouches ? Vous n’avez vu de moi qu’une forme incertaine et qui vous a plu, et c’est elle qui vous plaît encore maintenant et dont vous cherchez en moi l’illusion renouvelée. Hélas ! monsieur, êtes-vous bien certain que je sois pareille à votre souvenir ? Ne craignez-vous donc point l’épreuve de la réalité ? Le corps des femmes n’est pas toujours ce qu’il semble être sous les plis des étoffes et à la distance d’un tréteau, et ce que vous demandez du mien vous le livrerait dans une nouveauté qui ne serait peut-être pas à son avantage. Ce que vous appelez l’amour donne aux visages des expressions inattendues. La mienne serait-elle à votre gré et ne regretteriez-vous pas l’image que vous vous en étiez faite et qui masque encore à vos yeux celle qui leur paraîtrait si différente qu’ils ne se consoleraient pas d’un changement où ils n’auraient eu rien à gagner ?

Elle continua :

– Je pense bien, monsieur, que vous ne manqueriez pas de me faire entendre que votre désir a pris à l’illusion qui l’a causé une force dont je ne laisserais pas de pouvoir être contente, et que beaucoup de femmes ne dédaignent pas d’être honorées