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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/317

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à s’enchaîner l’un à l’autre en des embrassements qui les lient sans les unir. Ce sont ces pensées, monsieur, qui m’ont toujours éloignée de ces façons d’aimer et qui m’ont fait croire qu’il y en avait une autre. N’en est-ce pas une, monsieur, de savoir qu’il y a quelqu’un qui songe à nous secrètement et tendrement et à qui nous songeons de même, quelqu’un qui nous est présent quand il n’est pas là et de qui nous ne sommes jamais absentes, que nous entendons et qui nous entend sans qu’il soit besoin de paroles, qui est la moitié de nous-mêmes et avec qui nous ne formons qu’un ? Qu’importe alors le temps et la distance ! Si deux personnes ont éprouvé une fois ce sentiment, n’y a-t-il pas entre elles quelque chose d’éternel et d’indissoluble et qui est justement ce qui mérite le nom de l’Amour ? C’est celui-là seul, monsieur, qui me paraît parfaitement digne d’une âme délicate et passionnée. C’est lui seul dont j’accepterai jamais l’hommage et dont j’ai souvent rêvé dans ma solitude. Je lui imaginais la figure du respect, de la tendresse et de l’amitié, et c’est sous ce visage, monsieur, que je voudrais garder votre souvenir. Rien n’adoucirait plus mes chagrins et mes peines que d’y conserver cette image de vous que le temps