Aller au contenu

Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plein de vin et de hoquets, quoique une aussi grossière figure soit encore trop bonne pour celle que je fais devant moi-même et devant Dieu. Il ne m’est point besoin de m’inventer de bassesses, pour que je sente toute la mienne, car l’homme, par le péché, perd son rang dans la création et descend au plus bas de la créature, et je suis, monsieur, un pécheur misérable.

Et il se frappa de nouveau la poitrine. Son visage, que M. de Bréot se souvenait d’avoir vu tout empourpré de désir, à la danse de madame de Blionne, marquait maintenant un air de confusion où l’on pouvait voir un sincère dégoût de soi-même. Les coins de sa bouche grasse s’abaissaient en une moue découragée.

– Considérez-moi, monsieur, – reprit-il, au bout d’un instant, – et apprenez-en combien l’homme est faible sans le secours de Dieu et sans l’appui de sa grâce. Nous ne sommes que boue, monsieur ; mais, si notre argile est périssable, l’étincelle qui l’anime ne l’est point. Nous mourons et elle survit. Le ciel la recueille ou elle s’ajoute aux flammes de l’enfer. Et n’est-ce point une terrible chose à penser, encore que Dieu ait voulu, par là, nous marquer l’état où il