Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/35

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nous tient et la considération qu’il fait de nous ?

Il s’arrêta de parler et reprit haleine comme quelqu’un d’habitué aux harangues.

– Vous vous étonnez sans doute, – continua-t-il, – que je puisse, dans le désordre où vous me voyez, donner à mes discours quelque suite et un tour assez bon. C’est une habitude que je dois au métier de la parole. Je l’exerce, non sans y avoir acquis quelque gloire, mais à quoi, hélas ! me servira-t-elle au dernier jour ? Dieu est sourd. Ses jugements sont terribles, et il n’y aura pas d’éloquence qui en puisse adoucir la justice et en fléchir la sévérité !

L’inconnu s’était levé. M. de Bréot constata que son vêtement n’était pas dans l’état qui convient. Le pécheur était, si l’on peut dire, en tenue de péché, le pourpoint déboutonné, le linge fripé et les chausses sur les talons. À l’approche de M. de Bréot, il se rajusta quelque peu.

– Quoi, c’est vous, monsieur ? – lui dit-il, en le prenant par le bras et d’un ton plus naturel. – Je reconnais au moins votre visage, si je ne sais point votre nom. J’ai vu dans vos yeux, tout à l’heure, ce feu dangereux qui mène aux pires fautes. Vous aimez les femmes, vous aussi, non