Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/36

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pas en leur âme, mais en leur chair, et je jure que dans l’amour vous allez de suite au péché.

M. de Bréot ne nia pas et sourit.

– Ne riez pas, – s’écria avec force le gros homme, – ne riez pas. Vous ne savez donc point qui vous avez là, devant vous, monsieur ?

M. de Bréot crut qu’il s’allait nommer. Il était curieux de savoir qui était le personnage de cette rencontre singulière. L’inconnu se recula de trois pas.

– Vous ne le savez pas, monsieur ? Un damné.

Sa figure marqua une terreur véritable, et il cacha son visage dans ses mains, comme pour ne pas voir devant ses yeux les flammes de l’enfer. Puis il tomba assis sur un banc de coquillages. On entendait le vent dans les feuilles et le bruit des violons.

– Je suis pourtant un honnête homme, – reprit l’inconnu après un assez long silence, – et je crains Dieu. J’ai été élevé dans le respect de ses lois et de ses commandements. J’y conforme ma vie le mieux que je puis, et je dois dire que leur observance m’est d’ordinaire assez aisée. Je n’ai pas d’orgueil et je crois le prouver en m’ouvrant à vous. Je ne suis pas non plus avare. J’ai du bien et je le dépense assez libéralement. Je le conserve sans l’accroître et je ne souffre