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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/61

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des couplets de sa façon, qui n’étaient que des mots sans suite, sur un air baroque, mais qui le faisaient rire d’aise tout le long du chemin. M. de Bercaillé égayait le sien de mille singularités, de telle sorte que bien des gens se retournaient pour voir ce passant qui tantôt sautait, tantôt gambadait ou marchait à pas comptés. Quelquefois, M. de Bercaillé s’arrêtait et restait une grande heure, couché dans le fossé ou dans l’herbe d’un pré, puis, soudain, il escaladait une barrière, embrassait un tronc d’arbre, faisait des ricochets dans l’eau des mares. Il lui fallait ainsi plusieurs jours pour gagner Fontainebleau, en longeant la Seine, et pour arriver à l’auberge d’un petit hameau du nom de Valvins. À quelle heure que ce fût, il demandait tout d’abord un lit et un pot de vin. L’ayant bu, il se couchait et dormait jusqu’à ce qu’il se réveillât naturellement ; s’il faisait nuit, il se rendormait jusqu’à l’aurore suivante.

Debout au chant du coq, M. Floreau de Bercaillé s’habillait avec soin et descendait l’escalier. La Seine coulait, toute argentée, le long de la forêt mirée dans une part de ses eaux. M. de Bercaillé appelait le passeur. La lourde barque coupait le courant d’un trajet oblique et abordait à la rive