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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/60

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dans un marasme singulier. Il laissait l’encre tarir en son encrier et le tabac s’éteindre dans sa pipe. Quand ses compagnons de débauche entamaient, le vendredi, l’omelette au lard, en l’assaisonnant de bons blasphèmes et d’impiétés choisies, il demeurait silencieux dans son coin, sans un regard pour la bouteille ni un pinçon pour la servante. Cet état se produisait aux premiers jours du printemps, dès que le soleil sèche les boues de Paris et reverdit les arbres du Cours-la-Reine ou de la place Royale et que refleurissent les tonnelles des guinguettes. À mesure, M. Floreau de Bercaillé se rembrunissait davantage, jusqu’au jour où, n’y tenant plus, il descendait de son taudis, après avoir fermé sa porte et mis la clef sous le paillasson pour prendre en échange celle des champs, car c’est aux champs que décampait ainsi, chaque année, M. Floreau de Bercaillé.

Pour cette escapade, M. de Bercaillé, qui n’était guère recherché en ses habits, sortait de l’armoire ce qu’il y rangeait de meilleur. Il passait sa chemise la plus fine, endossait son vêtement le plus propre, coiffait sa perruque la mieux fournie. Ainsi paré, il se mettait en route dès l’aube. Une fois passé les barrières et sorti de Paris, il commençait à fredonner