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Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/429

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Quelle était en tout cela la part du sel des propos et des fumées du vin ? Et nous nous remîmes à boire et à achever les bouteilles, pensant bien que la sage châtelaine, une fois à l’abri dans son appartement, enverrait quelqu’un nous conduire dans nos chambres. »

M. de Portebize semblait fort soulagé du tour que prenait l’histoire. « Tout cela va finir, pensait-il, par quelque fable de servante, car Créange et Oriocourt ne sont point difficiles. Et puis, à quoi pensé-je ? Du diable si je n’ai pas cru que ces quatre tourelles étaient celles de Bas-le-Pré. Mais il n’y a pas que là qu’on mange finement… »

— « Nous attendîmes assez longtemps, continua M. d’Oriocourt, quand un bruit de clé dans la serrure nous avertit qu’on venait. La porte s’ouvrit. Nous poussâmes un cri d’étonnement et de plaisir. Notre hôtesse était devant nous, transfigurée. Elle portait une fort belle robe, à l’ancienne mode, il est vrai, mais des plus galantes. La majesté de l’ajustement seyait à cette beauté imposante, plus semblable à Cybèle qu’à Diane. Un éventail battait en ses mains. Le fard qui avivait son teint et la poudre qui couvrait ses cheveux donnaient à ses yeux et à son visage un éclat surprenant. Il semblait qu’elle eût retrouvé sa jeunesse avec l’habit qu’elle portait au temps qu’elle était jeune. Elle souriait voluptueusement. Nous comprîmes notre bonheur. Elle paraissait trente ans à peine et nous en eûmes quinze chacun de nous, car elle ne voulut pas nous séparer et confia à notre ardeur commune le soin de satisfaire la sienne. Le bel