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Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/430

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accoutrement céda comme sa maîtresse à nos empressements, elle riait et se laissait faire et nous fîmes de notre mieux. Les circonstances singulières de l’aventure, cette femme renaissant d’elle-même si l’on peut dire, tout contribua à doubler nos forces. La nuit se passa aux plus délicats et aux plus violents plaisirs ; nous les renouvelâmes tour à tour jusqu’à l’aube et, dans cette nuit singulière où le nôtre fut alterné, le sien nous parut continuel.

« Le coq chantait dans la cour comme nous nous levâmes et courûmes à nos habits, car il fallait partir. Les bougies brûlées s’éteignirent ; une seule vacillait encore, et ce fut à sa lueur que nous vîmes une dernière fois la belle Julie, car ce fut sous ce nom, à défaut du véritable dont elle nous pria de ne nous point enquérir, qu’elle voulut demeurer en notre souvenir. Puis le fumeron baissa, et ce fut à tâtons que nous gagnâmes la porte. Nous entendîmes le soupir d’adieu dont elle salua notre départ et nous sortîmes sans que rien pût nous empêcher de croire que nous venions de rêver le plus amoureux et le plus charmant des songes. »

Toute la compagnie se mit à rire et même M. de Portebize qui riait jaune, incertain si MM. de Créange et d’Oriocourt avaient voulu se moquer de lui ou si réellement ces deux étourdis n’avaient raconté que la vérité sans savoir que ce qui n’était pour eux qu’une aventure divertissante l’était moins pour le fils même de la belle Julie de Portebize…