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Page:Raîche - Au creux des sillons, 1926.djvu/11

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AU CREUX DES SILLONS

tasseries furent pleines. Les granges débordaient. On avait fini les récoltes.

Paul venait tous les dimanches faire sa cour à Jeanne. Lorsque le temps le permettait, il attelait son meilleur cheval sur sa plus belle voiture et ils allaient se promener ensemble au village voisin. Les gens qui les voyaient passer disaient :

— Nous aurons bientôt des noces.

Vers la fin des récoltes le père de Paul vint aux champs trouver celui de Jeanne et commença à l’entretenir de choses et d’autres. Il semblait avoir une communication à lui faire qui le gênait. Enfin il lui dit :

— Mon grand-père m’a dit autrefois que le vôtre avait pris trois pieds de notre terrain pour construire sa cave de dehors.

— Je le savais, dit Lamarre, en effet mon grand-père m’a dit que ce terrain vous appartenait et qu’en tout cas le vôtre ne s’y était pas opposé en reconnaissance des services qu’on lui avait rendus lors de la grande inondation.

— Avez-vous les papiers de cette concession ?

— Vous savez bien que nos deux grands-pères étaient deux amis comme nous le sommes et ils réglaient leurs petites affaires à l’amiable ; pourquoi ne pas laisser ce qu’ils ont fait ?

— Mais je perds trois pieds de terrain, dit Corriveau, c’est quelque chose de ce temps-ci. Je vous en reparlerai.

Et ce fut la fin de la conversation. Paul et Jeanne avaient eu vaguement connaissance de cette petite altercation. Ils comptaient bien que cette futilité serait vite réglée par les deux familles. Leur amour n’en fut pas troublé un seul instant. Jeanne était bien la femme que son cœur cherchait. Il aimait sa jeunesse rieuse, sa beauté forte et saine, son bon regard qui brillait d’une vie si intense. Et elle, elle aimait Paul d’un amour non moins grand.

Les deux maisons étaient assez rapprochées pour qu’elle pût le voir vaquer à ses travaux, soit qu’il allât aux champs, soit qu’il travaillât dans le jardin. Elle suivait du regard ses mou-