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AU CREUX DES SILLONS

LES GRANGES QUI PLOIENT



Les jours passèrent. Ce fut bientôt le temps de la moisson. La saison avait été bonne, mêlée de pluie et de soleillées bienfaisantes. Les blés, les orges, les avoines, toutes les céréales innondaient les champs. C’était des mers bruissantes d’épis auxquelles la brise donnait un mouvement de houle. Il fallait couper cette récolte à la faucille. C’est pourquoi les familles entières étaient, dès l’aurore, dans leurs champs. C’était un spectacle magnifique de voir ces gens accroupis, faucille en main, couper les grains qui les débordaient de toutes parts. On faisait d’abord des javelles que l’on mettait ensuite en gerbes.

Cette année, disaient les hommes, on ne manquera pas de blé pour le pain et de paille pour les bestiaux. En effet, il y en avait tant que les granges ployaient sous le poids de toutes ces gerbes bien fournies.

Les Corriveau et les Lamarre s’entr’aidaient pour faire leur récolte. En travaillant plusieurs ensemble, on mettait plus de courage et plus d’émulation à la besogne. Paul et Jeanne aimaient ce travail commun où ils se retrouvaient et où ils pouvaient causer tout en activant la faucille. C’était des jours d’un labeur joyeux. Ils prenaient chacun une lisière de blé qu’ils abattaient sur une ligne parallèle, se défiant à qui finirait le premier. Dans ces tournois charmants elle tenait tête à Paul. Quelquefois il lui laissait prendre l’avantage, et c’étaient des cris de joie lorsqu’elle arrivait la première.

Lorsque les gerbes étaient suffisamment sèches on les chargeait dans une grande charrette, les épis en dedans. Bientôt les