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AU GRÉ DES FLOTS

amour devenait une réalité, quelque chose de grand et de fort, depuis que Pierre lui avait promis ses visites. Comme elle aimait ce jeune homme au teint halé par les embruns, aux mains durcies par les travaux de pêche. Son amour exultait aux airs entraînants des violons qui jouaient éperdument.

Cependant Pierre disait à Mai :

« J’ai promis à votre sœur de venir chez vous, mais je serais heureux que vous me le permettiez de votre côté ».

Elle avait dit, comme une demoiselle :

« Je le veux bien, Monsieur ».

Avant la fin de la fête, Hortense dansa encore plusieurs fois avec Pierre. Elle se sentait si heureuse et si émue. Son amour avait allumé en elle une lumière qui l’inondait de ses rayons. Elle eut voulu pleurer d’attendrissement et elle riait aux éclats, le teint avivé, les yeux brillants et les cheveux un peu en désordre par la danse.

Pierre reconduisit les deux jeunes filles chez elles. Il réitéra sa promesse de leur faire visite à l’automne au retour de la mer. Il s’embarquait le lendemain pour reprendre la pêche, une journée interrompue.

Nous aurons une beauté de poisson je crois, la saison s’annonce bonne.

Il disait cela pour prolonger l’entretien et comme quelqu’un qui a trouvé quelque chose à dire qui fût indifférent. Et il prit congé des deux jeunes filles pour jusqu’à l’automne prochain.


II


L’attente pleine de perplexité commença pour Hortense. Mai lui avait naïvement rapporté ce que Pierre avait dit. Cet aveu sans malice la fit réfléchir. Elle n’avait jamais songé un seul instant que Pierre voulut courtiser sa sœur. Pourtant il n’y avait rien d’impossible à cela. Elle était jeune et jolie. Quoi de plus naturel qu’elle lui eût plu. D’autre part, il avait dansé avec elle plus souvent qu’avec aucune autre. Mais pourquoi a-t-il de-