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AU CREUX DES SILLONS

délicieusement le visage quand elle riait, et ses yeux avaient brillé d’un pur et vif éclat pendant qu’il lui parlait. Il s’accusait de ne pas l’avoir connue plus tôt.

La journée allait bientôt finir. Les hommes s’en iraient, chacun chez soi, pour se laver, s’endimancher et la fête commencerait.

À la maison de Corriveau l’activité était intense. On avait tué, pour l’occasion, deux agneaux et un veau gras. Les fourneaux suffisaient à peine pour tous ses rôtis dorés qui mijotaient doucement, pour ces poules et ces oies superbes dont la peau se fendillait en cuisant. Et toutes ces femmes, jeunes ou vieilles, excitées par la chaleur du poêle, par la joie de danser bientôt, couraient, les mains enfarinées, se trompaient, gesticulaient, parlaient, riaient, se hâtaient, car il fallait aussi qu’elles fissent un peu de toilette avant de se mettre à table. Elles revêtiraient leur belle robe de flanelle la plus légère, d’un travail compliqué, où les nuances se mêlaient.

Pour la danse, elles porteraient des souliers plats achetés au village. Les hommes commençaient à arriver avec leur compagnie. Ces hommes encore tout imprégnés de la senteur agreste de la terre remuée étaient beaux dans leur complet d’étoffe du pays. Chacun s’asseyait à table avec sa compagnie. Et ce fut la joie de vivre, de communier à tous ces dons que le sol travaillé par eux, leur rendait au centuple. Ces gens aux santés superbes ne perdaient pas une bouchée. Ils causaient, riaient, se taquinaient. L’allégresse était dans tous les cœurs et dans tous les yeux.

Au dessert, il y eut des exclamations : Les tartes étaient bonnes, les croquignoles fondantes. Les hommes félicitaient les ménagères. Et tout ce monde était heureux sans feinte et sans pose.

Mais on avait hâte de danser. On eut vite fait de desservir les tables. Le violoniste était arrivé et déjà il occupait un poste élevé sur un escabeau. Aux premières mesures les pieds trépignaient d’impatience. La musique leur donnait des ailes.