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AU CREUX DES SILLONS

Paul Corriveau ouvrit la danse avec Jeanne Lamarre. Tout le monde les admirait. Ils étaient beaux, l’un et l’autre, lui avec son teint bruni, elle avec sa robe de toile frangée de laine, son corsage enjolivé de points d’aiguille.

Tout le monde danse, jeunes et vieux. Les jeunes dansaient les quadrilles qui étaient une danse nouvelle, les vieux les cotillons, les pavanes, les bourrées. On fit même danser un vieux et une vieille de quatre-vingts ans. C’était un spectacle attendrissant et joyeux que de voir ces braves gens démener leurs vieilles jambes, toutes raides des durs travaux de la vie.

Paul dansa avec Jeanne plus souvent qu’avec aucune autre. Il en profita pour lui dire combien il regrettait de ne pas l’avoir connue plus tôt, et elle écoutait émue, touchée des avances de ce fils de riche fermier, le plus riche du village. Elle traduisait tout son bonheur par un rire argentin, qui mettait un si délicieux coloris sur ses joues. La soirée allait finir. Paul dansa avec Jeanne le dernier cotillon qui fut un branle-bas général. Il s’offrit pour la reconduire. La nuit était douce et calme. Seules quelques petites étoiles regardaient la terre.

Ils étaient arrivés chez les Lamarre. Paul demanda à Jeanne la permission de venir lui faire sa cour. Pour toute réponse elle lui dit oui, en éclatant d’un rire si bruyant qu’il éveillait les échos de cette nuit tiède.