Page:Rabbe - Album d’un pessimiste, I, 1836.djvu/42

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à la Divinité. Je me borne à signaler ce caractère de férocité commun à toutes les religions primitives, et cette idée d’un sacrifice déguisée sous des formes adoucies, mais toujours subsistante même dans les plus humaines des théologies ; et j’ajoute, que l’anathême dont le suicide est frappé par les lois de ces systèmes religieux, est à-la-fois une contradiction et une barbarie.

On me répondra peut-être que le sacrifice ne vaut, qu’en vertu de l’intention qui le dirige ; mais alors quel infortuné pourrait espérer des consolations ; car quel est celui qui souffre volontairement et qui ne lutte pas contre le mal autant qu’il le peut ? Il n’y aurait à ce compte de méritoire que les macérations des cénobites et la vie des anachorètes, ce qui ne peut pas être admis. D’après l’Évangile, on peut faire son salut partout ; il n’est nullement enjoint au chrétien de quitter le monde, ce serait vouloir que le soldat fuie le danger. Il n’est pas non plus nécessaire de souffrir de bon gré ou de chercher les occasions de souffrir, il suffit d’être malheureux pour avoir un. droit spécial à la prédilection de la Divinité et aux dédommagemens promis à ses élus. Toutefois, il est probable, théologiquement parlant, que ceux qui sont avides de souffrances ont un degré de mérite de plus ; et que le mépris de la vie terrestre est un titre à la jouissance plus immédiate de la vie éternelle.