Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome II (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/124

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biales toutes sont à l’avantage de leurs mystes[1] nulles au bien et profit des mariés, qui est cause suffisante pour les rendre suspectes comme iniques et fraudulentes.

« Par réciproque témérité pourraient-ils lois établir à leurs mystes sur le fait de leurs cérémonies et sacrifices, attendu que leurs biens ils déciment et rognent du gain provenant de leurs labeurs et sueur de leurs mains, pour en abondance les nourrir et en aise les entretenir. Et ne seraient, selon mon jugement, tant perverses et impertinentes comme celles sont lesquelles d’eux ils ont reçues. Car, comme très bien avez dit, loi on[2] monde n’était, qui ès enfants liberté de soi marier donnât, sans le su, l’aveu et le consentement de leurs pères. Moyennant les lois dont je vous parle, n’est rufian, forfant[3], scélérat, pendard, puant, punais, ladre, brigand, voleur, méchant en leurs contrées, qui violentement ne ravisse quelque fille il voudra choisir, (tant soit noble, belle, riche, honnête, pudique que sauriez dire) de la maison de son père, d’entre les bras de sa mère, malgré tous ses parents, si le rufian s’y a une fois associé quelque myste, qui quelque jour participera de la proie.

« Feraient pis et acte plus cruel les Goths, les Scythes, les Massagètes, en place ennemie, par longtemps assiégée, à grands frais oppugnée[4], prise par force ? Et voient les dolents pères et mères hors leurs maisons enlever et tirer par un inconnu, étranger, barbare, mâtin, tout pourri, chancreux, cadavéreux, pauvre, malheureux, leurs tant belles, délicates, riches et saines filles, lesquelles tant chèrement avaient nourries en tout exercice vertueux, avaient disciplinées[5] en toute honnêteté, espérants en temps opportun les colloquer par mariage avec les enfants de leurs voisins et antiques amis, nourris et institués de même soin, pour parvenir à cette félicité de mariage que d’eux ils vissent naître lignage rapportant et héréditant[6] non moins aux mœurs de leurs pères et mères qu’à leurs biens meubles et héritages. Quel spectacle pensez-vous que ce leur soit ? Ne croyez que plus énorme fut la désolation du peuple romain et ses confédérés, entendants le décès de Germanicus Drusus.

« Ne croyez que plus pitoyable fut le déconfort des Lacédémoniens quand de leur pays virent, par l’adultère troyen, furtivement enlever Hélène grecque.

« Ne croyez leur deuil et lamentations être moindres que de

  1. Initiés aux mystères, moines.
  2. Au.
  3. Vaurien.
  4. Attaquée.
  5. Élevées.
  6. Héritant.