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le qvart livre

bles commencent eſcamper dehinch. Mole. C’eſt bien & doctement parlé. Mole, mole. Icy de par Dieu. Gentil Ponocrates, puiſſant ribauld. Il ne fera qu’enfans maſles le paillard. Euſthenes guallant home. Au trinquet de prore. Inſe, inſe. C’eſt bien dict. Inſe de par Dieu, inſe, inſe. Ie n’en daignerois rien craindre, car le iour eſt feriau, Nau, nau, nau[1]. (Ceſtuy Celeume[* 1], diſt Epiſtemon, n’eſt hors de propous : & me plaiſt, car le iour eſt feriau). Inſe, inſe. Bon. O s’eſcria Epiſtemon, ie vous commande tous bien eſperer. Ie voy ça Caſtor à dextre[2].

Be be bous bous bous, diſt Panurge, I’ay grand paour que ſoit Helene la paillarde. C’eſt vrayment reſpondit Epiſtemon, Mixarchaheuas, ſi plus te plaiſt la denomination des Argiues. Haye, haye. Ie voy terre : ie voy port : ie voy grand nombre de gens ſus le haure. Ie voy du feu ſus vn Obeliſcolychnie[* 2]. Haye, haye, (diſt le pilot) double le cap, & les baſſes. Doublé eſt, reſpondoient les matelotz. Elle s’en va, diſt le pilot : auſſi vont celles de convoy. Ayde au bon temps. Sainct Ian, diſt Panurge, c’eſt parlé cela. O le beau mot. Mgna, mgna, mgna, diſt frere Ian, ſi tu en taſte goutte, que le Diable me taſte. Entends tu couillu au Diable. Tenez noſtre ame, plein tanquart du fin meilleur. Apporte les frizons, hau Gymnaſte, & ce grand matin de paſté Iambicque : ou Iambonique[3] ce m’eſt tout vn. Guardez de donner à trauers. Couraige (s’eſcria Pantagruel) couraige enfans. Soyons courtoys. Voyez cy près noſtre nauf deux Lutz, troys Flouins, cinq chippes, huict volantaires, quatre guondolmes & ſix freguates, par les bonnes gens de ceſte prochaine iſle enuoyees à noſtre ſecours. Mais qui eſt ceſtuy Vcalegon[* 3] là bas qui ainſi crie & ſe deſconforte ? Ne tenoys ie plus l’arbre ſceurement des

  1. Celeuſme. Chant pour exhorter les mariniers, & leurs donner couraige
  2. Obeliſces. grandes & longues aiguilles de pierre : larges par le bas, & peu à peu finiſſantes en poincte par le hault. Vous en auez à Rome pres le temple de ſainct Pierre vne entiere, & ailleurs pluſieus autres. Sus icelles pres le riuage de la mer lon allumoit du feu pour luyre aux mariniers on temps de tempeſte : & eſtoient dictes Obeliſcolychnies, comme cy deſſus
  3. Vcalegon. Non aydant. C’eſt le nom d’vn viel Troian, celebré par Homere 3. Iliad.
  1. Nau. « Ceci est pris d’un noël qu’on chante encore en Poitou, & qui commence :

    Au Sainct Nau
    Chanteray ſans point m’y feindre,
    Ie n’en daignerois rien craindre.
    Car le iour eſt feriau,
    Nau, nau, nau. »

    (Le Duchat)

    La Monnoye ajoute (Noels bourguignons, glossaire, au mot Noël) : « Cet endroit eſt tiré indubitablement d’un de ces Noëls que Rabelais, dans l’ancien Prologue du quatrième livre, dit avoir été compoſés en langage poitevin par le ſeigneur de Saint-George, nommé Frapin. » Cela semble au moins douteux.

  2. Caſtor à dextre. Dans l’antiquité, les matelots nommaient Castor et Pollux le météore qu’ils appellent de nos jours feu Saint-Elme. Ils le regardaient comme d’un heureux augure, et redoutaient au contraire celui qu’ils désignaient sous le nom d’Hélène. Pline parlant de Castor et Pollux (II, 37, De stellis Castoribus) s’exprime ainsi : « Geminæ autem salutares, et prosperi cursus prænunciæ : quarum adventu fugari diram illam ac minacem, appeliatamque Helenam ferunt. »
  3. Paſté Iambique : ou Iambonique. Il y a ici, comme plus haut (voyez, p. 163, note sur la l. 23 de la p. 221 du t. I.*) un jeu de mots sur iambe et jambe ; mais la substitution du j à l’i l’a fait disparaître de toutes les éditions modernes, où ce passage est devenu complètement inintelligible.

    *