Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
chapitre xiii

eſtoient leurs corps lors qu’ilz compoſoient : & difficile choſe eſtre, bons & ſerains reſter les eſpritz, eſtant le corps en inanition : veu que les Philoſophes & Medicins afferment les eſpritz animaulx ſourdre, naiſtre, & practiquer par le ſang arterial purifié & affiné à perfection dedans le retz admirable, qui giſt ſoubs les ventricules du cerueau. Nous baillans exemple d’un Philoſophe, qui en ſolitude penſant eſtre, & hors la tourbe pour mieulx commenter, diſcourir, & compoſer : ce pendent toutesfoys au tour de luy abayent les chiens, vllent les loups, rugient les Lyons, hanniſſent les cheuaulx, barrient les elephans, ſiflent les ſerpens, braiſlent les aſnes, ſonnent les cigalles, lamentent les tourterelles : c’eſt à dire plus eſtoit troublé, que s’il feuſt à la foyre de Fontenay, ou Niort : car la faim eſtoit on corps : pour à laquelle remedier, abaye l’eſtomach, la veue eſblouit, les venes ſugcent de la propre ſubſtance des membres carniformes : & retirent en bas ceſtuy eſprit vaguabond, negligent du traictement de ſon nourriſſon & hoſte naturel, qui eſt le corps : comme ſi l’oizeau ſus le poing eſtant, vouloit en l’aër ſon vol prendre, & incontinent par les longes ſeroit plus bas deprimé. Et à ce propous nous alleguant l’auctorité de Homere pere de toute Philoſophie, qui dict les Gregeoys lors, non plus toſt, auoir mis à leurs larmes fin du dueil de Patroclus le grand amy de Achilles, quand la faim ſe declaira[1], & leurs ventres proteſterent plus de larmes ne les fournir. Car en corps exinaniz par long ieuſne plus n’eſtoit de quoy pleurer & larmoier. Mediocrité eſt en tous cas louée : & icy la maintiendrez. Vous mangerez à ſoupper non febues, non lieures, ne aultre chair, non Poulpre (qu’on nomme Polype) non choulx, ne aultres

  1. Quand la faim ſe declaira. Voyez Iliade, XIII, 20.