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le tiers livre

viandes qui peuſſent vos eſpritz animaulx troubler & obſusquer. Car comme le mirouoir ne peult repræſenter les ſimulachres des choſes obiectées & à luy expoſées, ſi ſa poliſſure eſt par halaines ou temps nubileux obſuſquée, auſſi l’eſprit ne receoit les formes de diuination par ſonges, ſi le corps eſt inquieté & troublé par les vapeurs & fumées des viandes præcedentes, à cauſe de la ſympathie, laquelle eſt entre eulx deux indiſſoluble. Vous mangerez bonnes poyres Cruſtumenies, & Berguamottes, vne pome de Court pendu, quelques pruneaulx de Tours, quelques Cerizes de mon verger. Et ne ſera pourquoy doibuez craindre que vos ſonges en prouiennent doubteux, fallaces, ou ſuſpectz, comme les ont declairez aulcuns Peripateticques on temps de Automne : lors ſçauoir eſt que les humains plus copieuſement vſent de fructaiges qu’en aultre ſaiſon. Ce que les anciens prophetes & poëtes myſticquement nous enſeignent, diſans les vains & fallacieux ſonges geſir & eſtre cachez ſoubs les feuilles cheutes en terre. Par ce qu’en Automne les feuilles tombent des arbres. Car ceſte ferueur naturelle laquelle abonde es fruictz nouueaulx, & laquelle par ſon ebullition facillement euapore es parties animales (comme nous voyons faire le moult) eſt long temps a, expirée & reſolüe. Et boyrez belle eau de ma fontaine. La condition (diſt Panurge) eſt quelque peu dure. Ie y conſens toutesfois. Couſte & vaille[1]. Proteſtant deſieuner demain à bonne heure, incontinent apres mes ſongeailles. Au ſurplus ie me recommende aux deux portes de Homere[2], Morpheus, à Icelon, à Phantaſus & Phabetor. Si au beſoing ilz me ſecourent, ie leurs erigeray vn autel ioyeux tout compoſé de fin dumet. Si en Laconie i’eſtois dedans le temple de Ino

  1. Couſte & vaille.

    .... Il ne m’en chault, couſte & vaille.
    Encor ay-ie denier & maille
    Qu’oncques ne virent pere ne mere.

  2. Aux deux portes de Homere, et, à la page suivante, l. 18 : Deux portes de ſonge. Voyez Odyssée, XIX, 562, et Énéide, VI, 894.