Aller au contenu

Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cependant il n’abusait guère de ses avantages, car c’était à peine s’il lui adressait la parole et il ne l’invitait jamais au cotillon.

La coquette souffrait le martyre, n’osant pas se l’avouer.

Une nuit, chez la princesse de R… où toutes les femmes vont, pourvu qu’elles aient une toilette fraîche, Berthe reçut presque une injure de la part de cet homme. Elle avait fait pour lui seul une de ces entrées à sensation qu’on se rappelle jusqu’à sa première ride. Elle avait obtenu de la complaisante générosité de Jean de faire venir de Tunisie le costume authentique des bayadères de ces contrées mises à la mode depuis peu. La mignonne créature se drapait dans des étoffes alourdies par leur trame de métal ; autour du fez grenat et de sa gorge blanche scintillait une fortune de sequins, de perles, de rubis. Son écharpe en lamé d’argent la gênait pour marcher, elle pliait quelquefois sous le poids des colliers cliquetants.

On allait jouer un proverbe lorsque le banquier entra soutenant sa femme pour qu’elle eût le loisir d’ôter son masque. Un murmure d’admiration courut dans la salle.

— C’est, ma foi, la petite Soirès ! dit un gommeux déguisé en Colin, assis à côté de monsieur de Bryon. Celui-ci avait jeté sur son habit un manteau vénitien de velours noir, mais il portait l’épée.

— Je crois que oui, Monsieur !