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ALFRED JARRY


ce qu’on en disait de divers côtés, et surtout par le fait qu’après vingt-cinq ans cet Ubu n’avait pas sombré dans l’oubli. Il faut déjà qu’une pièce ne soit pas absolument banale pour qu’on se la rappelle encore au bout d’un quart de siècle.

Je sais aujourd’hui qu’il s’en faut peu que ce ne soit rien du tout. À proprement parler, Ubu-Roi n’est qu’un tissu de pauvretés, avec d’énormes facéties scatologiques d’un esprit facile. Ubu conspire, tue le roi, devient roi lui-même, est détrôné à son tour et se sauve en bateau ; il est sale, mal embouché, goinfre, rapace, cruel et couard. C’est tout. C’est, si l’on veut, une parodie de Macbeth, et ce scénario pouvait suffire pour faire un chef-d’œuvre ; mais l’exécution est enfantine. Il est même comique qu’on s’en dispute la paternité. Pour le théâtre de Shakespeare, au moins, cela en vaut la peine. Quant à la pièce intitulée Ubu-Roi, elle existe si peu, que l’identité de l’auteur, ou des auteurs, n’importe guère.

Oui, mais, malgré tout, MM. Charles et Henri Morin dénigrent trop Ubu-Roi au moment même où ils font valoir assez âpre-