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UN GALA


le père Ubu, pour une fois plein de modestie, peut-être que nous-même n’en aurions plus trouvé. »

Alfred Jarry possédait une poigne de fer. Le gros poisson est très difficile à capturer parce qu’une fois croché par l’hameçon il se décroche. On n’a pas le temps de le noyer (noyer le poisson, terme curieux qui signifie l’amener en douceur jusqu’à l’épuisette) qu’il se défile après quelques vigoureux bonds de colère. Combien de ces malheureuses bêtes, s’étant échappées en conservant l’hameçon dans leur estomac, vont mourir très loin de la place à pêche et remontent, leur ventre en l’air !

Jarry, dont la main ne tremblait pas (elle a terriblement tremblé dans les dernières années de sa vie !) ne ressentait ni émotion ni hésitation. Sa ligne d’une main, son épuisette de l’autre, il cueillait l’animal le plus lourd…