Page:Rachilde - Alfred Jarry ou le surmâle de lettres, 1928.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

28
ALFRED JARRY


ginale de sort chef-d’œuvre c’était me payer royalement pour peu de chose.

Oui, ce très mauvais garçon possédait le sens de la dignité de l’individu à un point tout à fait exceptionnel, au moins dans les lettres, car les gens de lettres, société effroyablement mêlée, ne sont pas toujours des plus scrupuleux sur les moyens de parvenir. Déjà, vers cette époque, le Penses-tu réussir de Jean de Tinan oppressait pas mal de consciences, et si j’ai consenti à essayer de narrer la courte existence de l’incorrigible bohème que fut Jarry c’est parce que nul mieux que moi ne peut l’avoir connu dans toute l’intimité de son orgueil. Il a été victime d’un mirage de son cerveau à la fois cruel pour lui-même et pour les voisins, il a voulu conformer son existence à son programme littéraire. Celui qui chronométrait ses moindres performances ne consentait