Aller au contenu

Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rie, plus désolée par son inconcevable résurrection que par l’annonce de sa mort. Certaines races de paysannes sont décidément insensibles ! Que leur importe la mort ou l’agonie ! Puisque ça doit finir, un peu plus tôt, un peu plus tard… Ma Pierrette, dans cette boue, dans ce froid, dans ce courant d’air meurtrier, n’ayant ni une poignée de paille fraîche, ni un lambeau de couverture, et crevant, en effet, accomplissant son obscur destin de bonne bête qui a nourri, cependant, tant d’enfants chez moi, source de blancheur vivante qu’on laisse tarir, lâchement !… (C’est la guerre, n’est-ce pas ? Et, puisqu’elle meurt, ne vaut-il pas mieux que le froid l’achève !)

Comment vais-je l’emporter, la tirer de là ? Alors, je sens gronder la fureur extraordinaire qui soulève ma nature animale et la jetterait, les ongles et les dents en avant, sur quiconque se mettrait en travers de mon chemin pour essayer de me raisonner.

C’est ici que je dois confesser la folie originelle, la marque de la bête : dès que la souffrance d’un animal, injustement martyrisé,