Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/124

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me touche, ma seconde nature est abolie. Tout ce qui peut représenter mon humanité est brusquement remplacé par une sorte de férocité instinctive, un retour violent à une autre espèce, pire que les races paysannes, pire que les races du bas âge de la terre où l’homme prenait la peau du loup après lui avoir laissé souvent un lambeau de la sienne en échange. Je redeviens quelqu’un de la grande forêt ; une rafale m’emporte, me rapporte, plus exactement, à la caverne primitive. On m’a volé mon petit et j’arrive, les yeux en feu, pour le redemander à l’homme, l’ennemi à jamais exécrable et exécré. En temps normal, je suis, j’ai l’air d’une femme du meilleur monde, d’une bonne bourgeoise très intéressée par l’ordre à mettre dans son intérieur ; en temps anormal, je ne connais plus rien de mondain ou de bourgeois, il n’y a plus ni lois ni coutumes, encore moins de sentiments, de respect humain, de tenue… tout s’abîme dans une colère qui ressemble assez à la soif du meurtre qu’on attribue à certains fauves, et une force factice jaillit de ce chaos, comme