Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/125

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un geyser de flammes rouges, embrasant ma cervelle. Ah ! que l’expression commune : y voir rouge est juste pour moi, à ce tournant dangereux de mon histoire ! Je ne songe même pas aux armes possibles. Rompue à tous les sports par un père qui m’a élevée en garçon, sachant tirer l’épée et conduire un cheval de chasse, sauter des barrières et des fossés, l’idée ne me vient pas de me servir tout de suite d’un outil bon pour tuer ou de requérir un appui. Mes ongles, mes dents, mes poings ! Ça suffit. Incapable de manier des objets lourds en faisant un effort calculé, méthodiquement, mesuré à la taille de mon entreprise, c’est immédiatement l’impossible qui me tente. Je suis convaincue que j’ai tous les droits et toutes les puissances. Malheureusement ou heureusement, ce n’est pas tout à fait une illusion. Dans cet état, je brise facilement l’obstacle si je ne peux pas le franchir d’un bond. Or ce n’est pas de la colère, car la colère est aveugle (c’est une erreur d’homme raisonnable). Moi, je vois rouge, mais j’y vois clair, et je sais comment