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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/161

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Je n’ai eu peur, dans mon existence tourmentée, semée des plus cruelles aventures, ni d’un chien enragé, ni d’un cheval emballé, ni d’une femme hystérique. J’ai pu maintenir le premier jusqu’à l’empêcher de mordre, j’ai sauté sur le second, du fond de la voiture que je conduisais seule, pour le monter en poste et l’arrêter juste au passage de la barrière ; quant à la troisième, qui tirait sur moi les balles d’un revolver en mauvais état, elle me rata, naturellement, après avoir étoilé la glace du salon, derrière moi, et cela me permit de lui faire courtoisement remarquer : que les miroirs brisés portent malheur à ceux qui les cassent[1]. Mais lorsqu’il fallut commencer à emplir des valises où serait contenu le strict nécessaire pour un voyage d’une durée indéterminée, cela, réellement, me causa la possible sensation physique de la peur. Cela venait comme la goutte d’amère ironie faisant enfin déborder le vase. Le strict, le plus strict nécessaire… en trois valises, sans bagages à main ! J’en appelle à toutes les Parisiennes !…

  1. Cette femme est, en effet, morte un an après.