Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/171

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plus belle récolte qu’on aura pu voir et qu’on n’aura pas pu cueillir. Tous ces arbres nous tendaient leurs branches, semblables aux guirlandes de Rubens, voulaient nous garder dans leurs bras chargés de présents. Doux fruits de France aux parfums subtils, aux âmes naïves !…

On buvait ferme dans le wagon et ce n’était vraiment pas les boissons qui manquaient à la politesse chaleureuse des offres : « Allons, madame, sans façon ! De la menthe verte ? Pas meilleur pour l’estomac. Un peu de vin cuit ? Ça vient des caves du château ! Que diriez-vous d’une larme d’absinthe… je n’ai plus que ça. Moi, j’ai une fiole de fine, de la supérieure. Ça vous remet le cœur en place. De la chartreuse, du cassis ? C’est une liqueur de dame… ou bien de l’anisette ? » Je me confondais en remerciements ; il me fallait, en effet, avoir le cœur en place pour supporter l’odeur bizarre que dégageaient tous ces élixirs mêlés, au moins dans mes narines. Si ces gens-là ne se connaissaient pas, ils se rencontraient tous dans la même opinion sur les alcools : « Oui,