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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/267

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ce qu’il y a d’irrémédiable dans la fin de ceux qui étaient destinés à nous continuer : c’est qu’ils nous diminuent en s’en allant de nous, ils nous volent notre égoïste droit à nous survivre en eux. Comme je n’ai pas de fils, j’ai perdu mon fils dans tous les jeunes hommes qui sont morts, et chaque fois qu’on m’a tué quelqu’un que j’avais rêvé grand, on m’a dérobé une gloire. C’est mon orgueil à moi d’être dépouillée de tous mes orgueils par cette guerre, qui est vraiment trop effroyable pour qu’on puisse en comprendre la signification… Mais je voudrais tout de même vaincre, parce que c’est une vieille habitude, en France, une habitude qui date des Gaulois dont l’unique peur était de voir le ciel crouler.

— Vous verrez le ciel crouler et vous aurez peur.

— Ce n’est pas sûr.

— Vivre, c’est être passif et ne s’intéresser qu’à sa tâche quotidienne. Demain, aurez-vous seulement votre pain blanc quotidien ?

— Je mangerai le pain que j’aurai. Je l’ai-