Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/266

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auront un autre gouvernement ou une autre patrie ? Vous aimez bien férocement vos maisons, vos jardins, vos villages ou vos villes. Pensez-vous que vous devrez un jour quitter tout cela pour… cet immense cimetière dans lequel nous sommes ?… La vie de vos patries est faite, depuis toujours, de l’habitude que l’on a de mourir pour elles ou plus simplement sur elles. Il faut bien mourir quelque part, et cela seul est terrible, cela seul est malheureux. Vous n’avez que la vie, entendez-vous. Elle est courte.

— Nous ne sommes pas malheureux en France, Madame, et si vous vouliez seulement nous aider un peu de vos conseils, nous serions certainement les plus forts, nous vivrions… éternellement.

— Il ne faut pas être les plus forts, mais seulement les meilleurs, pour pouvoir vivre et faire vivre les voisins quelques jours !

— Je comprends, Madame, par la peine, l’angoisse qui m’étreint chaque fois qu’on m’annonce la mort d’un être jeune, intelligent, doué de la suprême puissance de l’illusion,