Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/45

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par le sort. Je me suis promis, je lui ai promis de dire, de la dire toute, et je ne poserai point à l’héroïne de douceur et de tendresse que je ne suis pas, que je n’ai jamais été. J’ai donc fini par marcher droit du seul effort de ma volonté, dès l’âge de douze ans ; ma coquetterie me servit de canne ; il est souvent précieux d’avoir un défaut quand on apprend à le perfectionner. Aussi entêtée que sauvage, je mis une patience d’ange à protéger mon vice d’organisation. Un des muscles de ma jambe ayant été gravement lésé par le fer, une constante application de l’extension de ce muscle, demeuré inerte, pouvait lui rendre, en effet, son élasticité ; mais, en ce temps-là, les rééducations musculaires étaient peu connues au fond de la province. On ne voyait jamais le médecin pour moi et je me cachais lorsqu’on en annonçait un pour ma mère, toujours vaguement souffrante de migraines, de vapeurs…, etc., etc. À part cette disgrâce de ma part, je me portais très bien, même en courant de travers, ce qui me permit d’échapper aux lugubres histoires d’appareils,