Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

temps de paix. J’ai l’impression de m’être toujours battue et d’avoir toujours été battue sans jamais lâcher pied dans le domaine de l’idéal. Mon père, le guerrier par excellence, un héros de 70 (ce qui date un peu) n’a pas lâché pied non plus dans l’autre domaine, la terre de France, et nous nous battions déjà tous les deux en la personne des ancêtres ! Quand est venue cette guerre-ci, la vraie, la grande, la plus grande, celle qui doit tuer toutes les guerres, nous étions tous déjà morts de blessures reçues ou rêvées, tous tellement fatigués par les maux et les mots que nous avons eu, les fantômes et moi, la frayeur sacrée d’une calamité possédant la puissance de l’absurde.

Ce qui m’apparaît, m’est apparu immédiatement en dehors de tous les malheurs prévus ou imprévus, c’est sa bêtise, sa bêtise éternelle. On sait bien que l’attaqué doit se défendre, surtout quand il l’est injustement, mais ce qu’on ne sait pas, ce qu’on ignorera peut-être toujours, c’est pourquoi cette injustice sera permise et… perfectionnée par la