Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/110

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de ces choses… ici, devant moi !… s’écria le prêtre hors de lui, et oubliant que le pauvre psalmodiant à l’entrée du porche avait peut-être l’oreille fine.

Laure se redressa. Ses narines se gonflèrent, et elle eut un regard cynique. Elle venait de toucher son adversaire au cœur.

— Pourquoi me taire, monsieur l’abbé ? répliqua-t-elle négligeant de l’appeler mon père, du moment qu’il la nommait Laure tout court. Je vous accuse en m’accusant, et c’est justice ! Est-ce que vous êtes venu pour me consoler, pour chasser ce misérable quand il n’était pas encore trop tard ? Est-ce que vous avez eu pitié de mes larmes quand je pleurais, la nuit, en songeant qu’un curé ne se marie pas, et qu’il n’est pas permis de le trouver beau, de le lui dire en face… Vous redoutez le scandale ! Ne craignez rien, mes précautions sont bien prises. J’ai fait changer mon appartement, je couche au rez-de-chaussée au lieu de coucher au second étage de notre maison, où dorment mes parents. De plus, Lucien Séchard est tellement hideux que personne, je vous assure, ne s’avisera de jaser à son sujet… ni au mien !… Vous n’aimez pas le scandale ! Mon amant est très discret. Il n’est ni un homme marié ni un prêtre. Tout se passe le mieux du monde…

— Mais, misérable fille, oubliez-vous que l’œuvre de chair a été instituée par Dieu pour la reproduction de l’espèce, et non pas aux seules fins du plaisir… Un jour, vous vous réveillerez… enceinte ?