Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/193

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de faire. Je ne te quitte pas aujourd’hui ; dans un an, je puis renoncer à la vie parisienne et…

— Bref, interrompit Laure la voix tout à coup brisée, tu commences à me mettre à l’épreuve…

— Il est certain, ma chérie, que j’agis avec toi très doucement… répondit le jeune homme en lui baisant les mains.

Laure inclina la tête, elle voulait bien le reconnaître et… ne pas lui reprocher sa douceur.

— Je vais tâter l’opinion du pays, reprit-il, d’un ton plus dégagé ; ton papa doit se voir très isolé après la mort de sa femme… D’une manière indirecte, je pourrais lui conseiller de vendre son étude, d’aller vivre ailleurs, et ailleurs, le temps calmant les esprits les plus furieux, tu le rejoindrais… Ce serait ton intérêt, ma chère, car tu es encore son héritière en dépit des scandales et de ta mauvaise conduite. Plus tard, tu te dénicherais un mari, un homme simple qui t’aimerait…

Henri Alban s’arrêta pour caresser le menton de Laure, ne se rappelant plus qu’un moment il avait représenté cet homme simple.

— Tu es une folle, ajouta-t-il, la voix très affectueuse, et pourtant tu as un caractère charmant, il me semble que tu es destinée à la bonne existence d’une mère de famille… Oh ! les petits gosses ! c’est ça qui te formerait, te dompterait, te mettrait du plomb dans la cervelle… Je te rêve six enfants et une jolie maisonnette au milieu des bois. Tu aurais des chats, des chiens, des poules, des